Il y a des musiques qui ne se contentent pas d’être écoutées ; elles créent des espaces, convoquent des présences, transforment des communautés. Le Son Jarocho né il y a trois siècles dans les ports métissés de Veracruz au Mexique est de celles-là. Issu de la rencontre entre rythmes africains, cordes espagnoles et langues autochtones, il s’est transmis de génération en génération dans les fandangos, ces rassemblements nocturnes où on improvise des décimas, où on danse sur la tarima jusqu’à ce que le bois vibre, où les frontières entre musicien·nes et public s’effacent.
La Flota y el Son incarne cette tradition vivante. La famille Vega de Boca de San Miguel, Tlacotalpan, Veracruz est depuis cinq générations l’une des gardiennes les plus importantes du Son Jarocho. Excellence musicale et immense expérience de la scène caractérisent cette famille pas comme les autres.
3 musicien·ne·s se sont rassemblé·e·s autour d’Enrique « Quique » Palacios Vega, figure majeure du mouvement de renaissance du Son Jarocho. Stephanie Delgado, dont la voix puissante et le jeu de jarana portent l’empreinte des montagnes de Los Tuxtlas ; Sofía Retana, dont le zapateado (danse percussive) ajoute une strate rythmique vertigineuse aux concerts du groupe et Juan Domingo Rogel, joueur de cajón et de pandero qui transforme les traditions et la texture sonore du Son Jarocho avec son saxophone.
Ce concert, programmé dans le cadre de Día de Muertos, n’est pas un hasard : au Mexique, on ne pleure pas les morts dans le silence, on les invite à danser. Et le Son Jarocho, avec ses polyrythmies accrocheuses et ses chants qui ressemblent à des conversations, est la bande-son parfaite de cette célébration où la vie et la mort se donnent rendez-vous.