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Pourquoi la presse belge ne parle-t-elle pas du décès de Mohammad Reza Shajarian? – Opinion

12 octobre 2020

Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès ce jeudi 8 octobre 2020 du très grand chanteur iranien Mohammad Reza Sharjarian. Osta (Maître) Shajarian était l’âme de l’Iran, et on le place facilement à côté d’autres grandes icônes de la musique traditionnelle du monde tels que Ravi Shankar, Nusrat Fateh Ali Khan, Cesaria Evoria, Amalia Rodriguez, Oum Khaltoum, Franco, John Lennon, Astor Piazzolla, Yehudi Menuhin ou Miles Davis. Et malgré cela, alors que ce géant de la culture disparait et qu’une partie du patrimoine culturel mondial s’envole avec lui, pas un seul média belge n’en fait mention. Au même moment, pourtant, les décès de Johnny Nash et d’Eddie Van Halen sont eux bien rapportés. Le décès de Shajarian est pourtant une nouvelle qui a marqué les médias étrangers comme la BBC, The Guardian, le New York Times ou Le Monde. Ne serait-il pas temps que nos médias se tournent vers autre chose que les nouvelles locales ou états-uniennes ? Que ce soit en musique ou sur d’autres domaines, d’ailleurs. N’est-il pas illusoire d’espérer que les communautés issues de l’immigration présentes en Belgique s’intéressent aux principaux médias belges si ceux-ci ne rapportent même pas le décès d’un temple de leur culture d’origine ?

 

Alors la voici, la dépêche qui manque en Belgique, l’info qui a bouleversé le monde culturel international sans faire ne fût-ce qu’effleurer la presse belge. Rattrapage.

Mohammad Reza Shajarian incarnait la beauté intemporelle de la musique persane. Le chanteur, décédé à l’âge de 80 ans, a été réduit au silence dans son pays d’origine en raison de ses critiques franches – mais son art a continué à vivre dans le cœur des Iraniens du pays et à l’étranger. Malgré le boycott, le président Hassan Rohani a tweeté: “Le peuple reconnaissant de l’Iran n’oubliera jamais cet artiste bien-aimé et son travail.”

Shajarian, qui souffrait d’un cancer du rein depuis des années, est décédé à l’âge de 80 ans dans sa ville natale de Téhéran. Malgré le confinement strict en Iran, des milliers de personnes sont descendues dans les rues en larmes en chantant ses chansons les plus célèbres. Le fils de Shajarian, Hommayoun, lui aussi également chanteur et célèbre, a annoncé la nouvelle de la mort de son père via Instagram.

Shajarian est né dans la ville de Mashhad, dans l’est de l’Iran. En tant que jeune garçon, il a attiré l’attention grâce à son talent dans la récitation du Coran, une tradition héritée de son père. La pratique de la musique comme art du spectacle allait à l’encontre des croyances de sa famille très religieuse, il a donc mené ses études sur le chant persan et la science du système radif classique en secret.

Il est devenu célèbre dans les années 1960 après être apparu à la radio et à la télévision d’État, et a rapidement incarné la beauté intemporelle de la musique et de la poésie persanes à une époque où l’Iran traversait des troubles politiques et révolutionnaires.

C’est dans la voix de Shajarian que l’alchimie de la poésie mystique persane et de la tradition musicale iranienne a trouvé sa plus haute expression. Tout en adhérant aux normes presque religieuses des gammes persanes et aux règles poétiques de la rime et de la métrique, Shajarian a également ouvert de nouvelles voies en introduisant de nouveaux éléments dans la musique persane. Bien qu’étant à l’origine un artiste solo, il a expérimenté un certain nombre d’ensembles musicaux et a inventé de nouveaux instruments à cordes qui ont trouvé leur place dans ses concerts.

Pour les Iraniens en Iran, les chansons de Shajarian ont servi d’ancrage à leur identité persane et ont offert espoir et réconfort en ces temps troublés. De nombreux Iraniens ont des souvenirs émouvants de Shajarian – il est difficile de trouver un Iranien qui ne marquerait pas le mois sacré du Ramadan en écoutant la célèbre interprétation de Shajarian de la prière arabe de Rabbana sur la rupture du jeûne.

Pour les Iraniens à l’étranger, Shajarian a exprimé la mélancolie qui accompagne la vie en exil – pas seulement l’exil physique, mais aussi l’exil intérieur existentiel des gens, qui consiste à vivre dans la séparation de votre être le plus profond, un état que décrit la poésie soufie comme la racine de toutes les douleurs et souffrances humaines.

À la suite des manifestations électorales du Mouvement vert de 2009, Shajarian a interdit aux radiodiffuseurs iraniens de jouer les chansons qu’il avait enregistrées au début de la révolution islamique. Lorsque l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad a qualifié les manifestants insurgés de «poussière et ordures», Shajarian a répondu en se faisant appeler «la voix de la poussière et des ordures».

Sa franchise avait un prix. Shajarian a été bientôt interdit de jouer et d’enregistrer en Iran. Même l’emblématique Rabbana a été retiré du programme annuel du Ramadan. Alors que Shajarian continuait à vivre à Téhéran, où il passait une grande partie de son temps à jardiner, il a finalement dû déménager aux États-Unis.

(L’information biographique au sujet de Shajarian est basée sur les articles de The Guardian et de MixedWorldMusic)

 

Pour en savoir plus

 

https://www.theguardian.com/music/2020/oct/09/mohammad-reza-shajarian-iran-persian-music

https://www.mixedworldmusic.com/nieuws/newsItem.php?n01ID=24672

https://youtu.be/1_EkRNfuKQ0

Video: https://youtu.be/63B650GxQBI

https://youtu.be/6QZCa8TIZAs

Extra info:

https://www.youtube.com/watch?v=XL6vva9LoxQ&ab_channel=Ruptly

https://www.bbc.com/news/world-middle-east-54431730

https://www.theguardian.com/world/2020/oct/08/mohammad-reza-shajarian-iranian-singer-dies-aged-80

https://www.npr.org/2020/10/08/808232631/a-voice-of-iran-master-singer-mohammad-reza-shajarian-has-died

https://www.aljazeera.com/news/2020/10/8/deep-respect-iranians-mourn-singer-mohammad-reza-shajarian

https://www.lefigaro.fr/musique/mohammad-reza-shajarian-monstre-sacre-de-la-musique-iranienne-est-mort-20201008