(0)
Retour vers les news

La musique peut-elle rendre le monde meilleur ?

Du cabaret marocain qui brise les tabous à l'exil d'une école de 273 musicien.nes afghan.es.
08 novembre 2022

Bien sûr, nous essayons de vous surprendre chaque semaine avec de la musique inédite provenant des quatre coins du monde, y compris celle de notre propre pays. Sur notre scène vous pourrez entendre la cornemuse ainsi que la harpe de table arabe, le qanun, vous pourrez danser sur la rumba congolaise ou sur les voix polyphoniques de Provence. C’est en soi une déclaration claire. Nous voulons montrer qu’il y a plus dans le monde que ce que vous entendez habituellement sur votre radio ou recevez via votre smartphone.

Mais parfois ça va encore plus loin. Dans le cadre de Chaabi Habibi – le projet bruxellois pluriannuel initié par Laila Amezian qui soutient les musiciennes folkloriques de la communauté marocaine – et en collaboration avec Darna, les Kabareh Cheikhats marocains brisent les rôles de genre traditionnels dans un spectacle émancipateur. Le groupe rend hommage aux cheikhats ; les femmes libres mais marginalisées qui dénoncent l’injustice et créent une atmosphère très intense avec leurs voix et leurs danses. L’interprétation des hommes qui se produisent avec Kabareh Cheikhats va plus loin que le simple répertoire musical. Ils mettent en lumière une culture souvent délaissée par une partie de la jeunesse marocaine, tout en brisant des tabous encore bien vivants aujourd’hui.

Ce jeudi, assistez à un spectacle dans lequel les corps des hommes se libèrent des schémas prédéfinis ; un espace dans lequel les acteurs et musiciens découvrent la femme en eux et les montrent sans crainte avec une grande fierté pour révéler des identités cachées. Comme source d’inspiration, ils ont choisi la musique jouée par les femmes qui veulent bousculer la société patriarcale.

Une semaine plus tard, l’ensemble afghan Anim arrive. Anim signifie Afghanistan National Institute for Music, fondé par Ahmad Sarast. À Kaboul, vous pouvez étudier à la fois la musique classique occidentale et la musique traditionnelle afghane dans cet institut depuis 2008. Le pays a une riche tradition musicale, mais le règne de terreur du premier régime taliban (1996-2001) avait laissé des traces profondes. Faire de la musique et même en écouter était haram aux yeux des talibans et donc interdit. C’est pourquoi Ahmad Sarast et ses collègues ont commencé une recherche des maîtres et fabricants d’instruments restants – qui vivaient souvent partout dans le monde, mais aussi des archives historiques et des enregistrements. Peu à peu, ils ont rétabli une tradition musicale sur des instruments tels que le rubab, luth et instrument national de l’Afghanistan, apparenté au sarod indien.

En 2014, l’orchestre Zohra est créé au sein de l’institut, un véritable orchestre composé de femmes âgées de douze à vingt ans environ. Avec des tournées à travers la Suisse, l’Allemagne, l’Angleterre, le Portugal et l’Australie, l’orchestre a été un exemple d’émancipation en Afghanistan.

Lorsque les talibans sont revenus au pouvoir en août 2021, toute l’école était en danger. Alors que l’aéroport de Kaboul était fermé, grâce au soutien d’organisations internationales telles que le HCR et les Nations unies, près de 300 musiciens ont été évacués via le Qatar vers le Portugal, où l’école en exil a été rouverte. Dirigé par Ustad Murad Sarkhosh, qui dirige le département de musique traditionnelle de l’Institut, Anim vient à Bruxelles avec une sélection d’étudiants du Portugal : Huma Rahimi (sitar), également membre de Zohra, Ramez Sufar (rubab), Bilal Asifi (harmonium), complété par le maître de tabla Ustad Ibrahim Ibrahimi. Anim apporte un concert d’espoir et de résistance.

Concerts:

Jeudi 10 novembre, 20h00, Molière: Kabareh Cheikhats (Casablanca, Maroc)
Mercredi 16 novembre, 20h00, Molière: Anim (Afghanistan/Portugal)

Liens:
Chaabi Habibi
Darna asbl
Afghanistan National Institute of Music
Afghanistan : une centaine d’étudiants et de professeurs de musique ont fui à bord d’un avion (France Inter)