À l’occasion de la 10e édition du Hide & Seek Festival qui aura lieu du 17 au 23 août 2025 à Bruxelles, Peter Van Rompaey, le directeur artistique de Muziekpublique revient sur une décennie de découvertes musicales dans des lieux insolites de la capitale.
Comment est né le Hide & Seek Festival ? Peux-tu nous raconter la genèse de cette idée un peu folle : mêler musique traditionnelle et lieux secrets de Bruxelles ?
Le Hide & Seek Festival programme des musiques traditionnelles méconnues du grand public. Il est né de l’envie de trouver d’autres manières de toucher le public. Quand j’étais étudiant, j’organisais déjà des concerts dans des lieux insolites comme d’anciens laboratoires. Il y a 10 ans, j’ai eu l’envie de remettre cette approche au goût du jour, et c’est ainsi qu’est né le Hide & Seek.
Le festival permet de montrer Bruxelles d’une autre façon et de découvrir des musiques qu’on n’irait pas forcément écouter. Le but : susciter la curiosité.
Comment as-tu vu évoluer le festival depuis sa première édition ? En termes de public, d’ambition, de reconnaissance ou de fonctionnement ?
Au début, le festival proposait un concert par soir ainsi que des concerts du midi et le concept des visites guidées. Depuis la pandémie, les concerts ont été dédoublés à cause des restrictions de jauge et de distance. Cette formule a si bien fonctionné que nous l’avons conservée.
Lors des premières éditions, les concerts étaient acoustiques et non amplifiés. Maintenant, la majorité des concerts sont amplifiés. Ce festival, c’est vraiment la magie d’un concert qui s’installe en deux heures dans un endroit pas du tout prévu pour ça, puis qui disparaît aussi vite.
Depuis 2023, nous avons des programmateurs étrangers qui viennent découvrir des artistes de chez nous. Aujourd’hui, le Hide & Seek Festival est une valeur sûre attendue par notre public. On retrouve avec plaisir les mêmes têtes de concert en concert tout au long de la semaine. J’entends parfois que des organisateurs de festivals ont même envie de reprendre le concept et de le développer dans leur pays.
Comment choisis-tu les artistes et les lieux ? Y a-t-il une ligne artistique ou un fil rouge qui guide chaque édition ?
Un bon lieu pour le Hide & Seek Festival, c’est un lieu où habituellement il n’y a pas de concert, un espace fermé ou peu accessible au public, un endroit qu’on rêve de découvrir. Ça peut être une ancienne usine, le Conseil d’État comme dans la programmation de cette année qui est une grande institution belge.
Parfois, il y a un lieu qui va très bien avec un artiste. Et parfois on s’amuse à créer des contrastes. En 2023, on a eu le groupe mongol Tengerton dans le dépôt STIB Jacques Brel. Ce qui était intéressant dans cette combinaison, c’est que toutes les chansons du groupe parlent de voyage. C’était donc assez pertinent de les faire jouer dans un dépôt de la STIB, acteur emblématique des déplacements à Bruxelles.
Pour cette édition, c’était aussi symbolique de donner à la musique palestinienne un lieu dédié à la diplomatie. Les Petits Riens avaient envie d’un groupe qui pourrait parler à la grande diversité de leur personnel et qui pourrait rassembler. Quand nous avons programmé Jean-Didier Hoareau et Zinne Kabar avec leur maloya festif, c’était une évidence de faire matcher ces artistes et ce lieu.
Cette année, des artistes comme Insingizi ou le Christine Zayed Trio portent des récits liés à l’exil, à la migration, à l’identité. Comment se construit la programmation ? Est-elle politique ?
La programmation n’est pas politique dans le sens où elle n’est pas partisane. Mais nous vivons dans une société en mouvement et les artistes véhiculent des messages importants. Muziekpublique présente des musiques qui sortent des courants mainstream, ce qui constitue déjà en soi une démarche politique. Notre association est porteuse de diversité et il nous semble évident d’accueillir des artistes qui véhiculent ces valeurs.
Par exemple, le 23 août à 12h30, on aura un concert du groupe Alfaia qui fait se rencontrer les traditions arabes, celtiques et ibériques, alors qu’on sait qu’à certaines époques il y a eu des tensions entre ces différents peuples dans la péninsule ibérique. Organiser un concert dans les ateliers de Cyclo (ateliers de réparation de vélo) dans le centre-ville, c’est aussi porter un message pour une mobilité plus douce.
Christine Zayed donnera un concert le 18 août au sein de la Maison de Prague. C’est symbolique que ce soit une femme, car souvent les instruments sont joués par les hommes dans les musiques arabes.
Quel est l’impact du festival sur le public bruxellois selon toi ? En termes de découverte, de lien au territoire, de mixité sociale et culturelle ?
Le Hide & Seek Festival permet de découvrir des lieux et des artistes, mais aussi de s’immerger dans des traditions musicales. Moins connu du grand public, nous avons tout un volet showcase avec des délégués qui viennent pour découvrir des artistes bien de chez nous. On apporte à notre façon notre petite pierre à leur visibilité et c’est important.
La radio Klara va aussi venir enregistrer des concerts qui pourront être diffusés dans le réseau de radio européen. Voilà quelques-uns des impacts du festival, mais ils sont difficiles à quantifier.
Quels sont les souvenirs les plus marquants de ces dix dernières années ? Des moments d’émotion, de fierté, de surprise… côté coulisses ou sur scène ?
En 2018, au cimetière de Molenbeek nous avons accueilli le groupe mongol Egschiglen. Leur musique est beaucoup liée aux ancêtres, c’était un concert avec une atmosphère magique. Depuis, le leader du groupe est décédé, donc cet événement a une saveur encore plus particulière.
Je me rappelle aussi de Duo Ruut en 2022 en concert dans Les Savonneries de Bruxelles. De la musique traditionnelle d’Estonie avec des artistes qui ont fait une grande carrière après, en passant par le Womex et les États-Unis.
Pour l’ambiance, je dirais le groupe cubain Septeto Santiaguero aussi en 2022 dans l’ancienne imprimerie de la Banque Nationale. J’espère qu’on aura une ambiance pareille avec Jean-Didier Hoareau & Zinne Kabar le 22 août dans le centre de tri des Petits Riens et avec Son de Madera le 23 août à la Stassart House.
Un mot sur l’édition de l’année 2025 ? Un coup de cœur ?
Comme coup de cœur, je dirais le concert de Son de Madera le 23 août, un groupe mexicain légendaire. Ça faisait longtemps que j’avais envie de les programmer. Ils joueront dans la Stassart House, un lieu avec une grande histoire coloniale dont il faut pouvoir parler et aussi le lieu de la diffusion du premier journal de la radio le 1er novembre 1926. Un lieu chargé d’histoire entièrement à découvrir.
J’attends aussi avec impatience le 22 août le concert de Jean-Didier Hoareau, neveu de l’incontournable Danyèl Waro, figure emblématique de la musique réunionnaise et du maloya.
Je me réjouis aussi d’accueillir Ananta Roosens et Kaito Winse le 19 août. Ananta a une musicalité incroyable, Kaito apporte de la magie dans chaque projet auquel il prend part. Je suis curieux de découvrir la combinaison de ces deux univers : sensibilité, finesse, expérimentation d’un côté, versus énergie brute et spontanéité de l’autre. Et pour couronner le tout, ils joueront avec un professeur de notre académie, Octave Komlan qui sera à la calebasse.
Si tu devais résumer l’esprit musical du Hide & Seek Festival 2025 en trois mots, ce seraient lesquels ?
Découvertes, engagé, festif.
Comment imagines-tu les 10 prochaines années ?
On espère que le public va nous suggérer plein d’endroits ! Blague à part, jusqu’à présent on trouve toujours de nouveaux lieux magiques malgré les 10 ans d’existence du festival. On n’a pas encore fait le tour de Bruxelles.
J’aimerais aussi créer du lien entre les artistes de l’académie et le festival avec, par exemple, un stage ou des performances qui mêleraient artistes programmés au Hide & Seek et enseignant·e·s de l’académie de Muziekpublique.